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Violences sexuelles sur mineurs : seuil d’âge : oui. Clause « Roméo et Juliette » : non.

La proposition de loi Billon prévoit un seuil d’âge de non consentement pour les mineurs victimes de viols ou agressions sexuelles commis par des adultes, ce qui constitue indéniablement une avancée notable. Mais, parallèlement, elle est assortie d’une exception en cas de différence d’âge de moins de 5 ans entre le majeur et le mineur, qui aboutit à fragiliser juridiquement les mineurs âgés de 13 à 15 ans victimes de jeunes majeurs âgés de 18 à 20 ans. Comment concilier notre droit constitutionnel et la protection supérieur de l’enfant ? Peut-on trouver une solution en droit comparé ?


La proposition de loi Billon fait suite à des affaires pénales médiatisées fin 2017 et 2020 dont les victimes étaient des mineures violées par des adultes. Son examen a débuté dans le contexte du débat dans l’opinion sur l’inceste suscité par le livre de Camille Kouchner « La Familia grande ». Enrichi en première lecture par les sénateurs, le texte a été en grande partie réécrit par le Gouvernement et les députés. La proposition de loi a été adoptée en deuxième lecture par le Sénat le 25 mars 2021 et sera de nouveau présentée le 15 avril à l’assemblée nationale. La création d’un seuil d’âge de non consentement. Ce texte prévoit que tout acte sexuel commis par un majeur sur la personne d’un mineur de moins de quinze ans est constitutif d’un viol ou agression sexuelle (selon qu’il y a pénétration ou non). Il ne sera plus utile de prouver les « violence, contrainte, menace ou surprise », ce qui est une avancée en soi, car l’autorité naturelle de l’adulte sur l’enfant suffit à le faire obéir. Ce seuil est fixé à 18 ans en cas d’inceste - dont la définition a été malheureusement restreinte aux adultes de la famille ayant autorité de droit ou de fait (excluant les fratries, oncles…). La différence d’âge de moins de cinq ans. Ce seuil d’âge de non consentement est assorti d’une exception lorsque l’auteur et le mineur ont moins de cinq ans de différence d’âge. Cette clause a été insérée en référence à l’avis du Conseil d’Etat du 15 mars 2018 sur le projet de loi Schiappa, qui relevait que le seuil de quinze ans soulevait une difficulté dans l’hypothèse d’une relation sexuelle qui serait librement consentie entre un mineur de dix-sept ans et demi et une adolescente de quatorze ans. Cette relation serait licite au regard du code pénal jusqu’à ce que le jeune homme atteigne l’âge de dix-huit ans, puis elle deviendrait criminelle, donc susceptible de renvoyer le jeune homme aux assises, alors que rien n’aurait changé dans son comportement et qu’il n’aurait bien sûr pas conscience de commettre une infraction. L’élément intentionnel n’est alors pas établi. La problématique de cette exception. Le problème vient du fait que cette exception ne protège pas seulement les « jeunes couples », mais tous les jeunes de 18-20 ans qui violent des enfants de 13-15 ans. On a nombre d’affaires de pré adolescentes de 13-14 ans qui sont violées par de jeunes majeurs inconnus, rencontrés soit à des soirées alcoolisées, soit par le biais de réseaux sociaux, hors tout contexte sentimental ou dits amoureux. Cette clause permet à ces jeunes violeurs d’échapper à la répression car ces filles de 13,14 ans devront encore prouver leur non consentement lorsqu’elles auront été violées par un jeune de 19,20 ans, avec toutes les difficultés de la preuve actuelles. C’est d’une injustice criante. Et, au final, la notion de « clause Roméo et Juliette » est totalement dévoyée de son objectif initial puisque étendue à tous les jeunes violeurs. D’un cas d’école, la situation d’un « jeune couple » de 13-14 ans et 17 ans et demi, ce dernier étant poursuivi devant la justice à sa majorité par l’un des parents, on en tire une exception très générale qui assure l’impunité des jeunes violeurs de 18-20 ans. Une solution possible inspirée du droit canadien ? Le droit Canadien est plus nuancé. Au Canada, le seuil d’âge de non consentement est de 16 ans. Il existe des exceptions en rapport avec la différence d’âge des partenaires. Le partenaire le plus âgé risque d’être accusé d’un crime quand l’écart d’âge n’est pas permis, même si le plus jeune partenaire dit oui et même si ses parents sont d’accord avec la relation. A 12-13 ans, l’écart d’âge permis est de moins de deux ans, donc pas de relation admise entre une enfant de 13 ans et un jeune majeur de 18 ans, comme l’autoriserait le droit français. A 14-15 ans, l’écart d’âge permis est de moins de cinq ans. Donc, un jeune adulte de moins de 19 ans peut prouver que la relation est consentie avec une fille d’au moins 14 ans. L’écart d’âge semble raisonnable et cette possibilité de rapporter la preuve d’une relation consentie pour le jeune accusé serait conforme à notre droit constitutionnel, sans, pour autant, protéger l’ensemble des jeunes violeurs de 18-20 ans, comme induit par la clause « Roméo et Juliette ». Ce droit est beaucoup plus respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant et cohérent avec les rapports de force entre les jeunes selon les tranches d’âge. La justice doit rétablir les droits des plus faibles, et non pas conforter ceux des plus forts. Ce dispositif n’est pas non plus contraire à la présomption d’innocence, comme on a pu le lire, puisque la charge de la preuve revient toujours à l’accusation et il s’inscrit dans le fait que le prévenu ou l’accusé ne reste pas passif face à l’accusation puisqu’il va lui aussi rapporter la preuve d’éléments pouvant établir son innocence et le doute lui profite toujours.


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