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Victimisation secondaire, une nouvelle notion consacrée par le jugement DEPARDIEU (affaire du cabinet) : comment la mettre en œuvre ?

  • Me Carine DIEBOLT
  • il y a 4 jours
  • 4 min de lecture

La condamnation de Gérard DEPARDIEU le 13 mai 2025 a fait couler beaucoup d’encre, finalement plus au sujet de la victimisation secondaire que pour les agressions sexuelles jugées.

Cette condamnation pour victimisation secondaire répond à une demande présentée par les parties civiles, dont Amélie cliente du cabinet, en raison de la violence des débats et des propos dénigrants et humiliants tenus à l’attention des parties civiles. Sans aborder l’affaire DEPARDIEU au fond qui fera l’objet d’un procès en appel, le jugement du tribunal correctionnel de Paris a consacré pour la première fois cette notion dans notre droit français, en condamnant le prévenu à ce titre.

Précisions que cette notion de victimisation secondaire existe dans le droit européen depuis plus de 20 ans et elle est actuellement définie à l’article 1 de la recommandation 2 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe du 15 mars 2023, comme « la victimisation qui résulte non pas directement de l’infraction pénale, mais de la réponse apportée à la victime par les institutions publiques ou privées, et les autres individus ».

Cet article est important car il ne réduit pas la victimisation secondaire aux seuls faits des institutions mais l’étend à l’ensemble de ses acteurs judiciaires.

Or, à torts, cette notion est souvent restreinte à la seule mise en œuvre des institutions publiques, à travers la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La question qui se pose est donc celle de savoir si la responsabilité des institutions est exclusive de celle des autres acteurs judiciaires et qui, des institutions, du président d’audience, de l’avocat de la défense ou de l’auteur des faits jugé coupable, peut-on mettre en cause au titre de la victimisation secondaire.

Des éléments de réponse peuvent être trouvé dans la jurisprudence européenne qui s’applique à notre droit français et dans la jurisprudence de la Cour de cassation.


·       Responsabilité des Etats en droit européen :

 

Dès 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné au titre de la victimisation secondaire les Etats qui ne protégeaient pas suffisamment les victimes dans le cadre de la procédure judiciaire.

 

De manière générale, la responsabilité des autorités nationales est engagée lorsque la conduite ou les modalités d’une procédure pénale portent une atteinte injustifiée à l’intégrité personnelle, voire à la dignité de la victime, créant ainsi un préjudice distinct réparable (CEDH, arrêt du 28 mai 2015, Slovénie n° 28.5.2015 ; CEDH, arrêt du 9 février 2021, Turquie n° 26638/07 ; CEDH, arrêt du 27 mai 2021, Italie n° )54978/17 ; condamnation récente de la France à cet égard, CEDH 24 avril 2025).

 

Un des acteurs judiciaires garant de la protection des victimes est la personne du Président d’audience. Des exigences particulières sont adressées au magistrat présidant l’audience dans les décisions de la CEDH : dans l’affaire Y. c. Slovénie, par exemple, la Cour avait déploré que le président ne limite pas les insinuations offensantes de l’accusation durant son contre- interrogatoire de la victime. L’Etat non protecteur est alors condamné par la CEDH.

D’aucuns ne retiennent que cette victimisation secondaire émanant des institutions.


·       Responsabilité de la défense en droit français :


Pourtant, la victimisation secondaire peut émerger de la relation entre la victime et un acteur de la procédure, tel qu’il ressort de la recommandation du Conseil de l’Europe de 2023 visée supra, qui vise les « individus ».

Il peut s’agir des enquêteurs, des magistrats, des experts ; et pourquoi pas des avocats ? Les avocats sont-ils exempts de toute responsabilité en matière de victimisation secondaire lorsqu’ils ont été violents verbalement, intrusif, dénigrant au-delà des nécessités du procès ?

En premier élément de réponse, les avocats bénéficient de l’immunité judiciaire, qui exclut des poursuites à raison des propos tenus et des écrits produits devant les juridictions au cours d'une instance. C’est une garantie fondamentale des droits de la défense, socle d’un Etat de droit. Mais, comme toute liberté, elle n’est pas absolue.

1.     Premièrement, une procédure pénale peut être engagée à l'encontre d'un avocat qui tient des propos injurieux, outrageants ou diffamatoires sans lien avec l'affaire.

2.     Deuxièmement, cette immunité s’inscrit dans les limites des principes déontologiques de la profession. Afin d’éclairer ces principes, il s’agit de se référer au code de déontologie des avocats qui dispose que l’avocat doit respecter « les principes d’honneur, de loyauté, d’égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie ».

3.     Troisièmement, les discours injurieux, outrageants ou diffamatoires peuvent faire l'objet de sanctions civiles. Le tribunal peut ainsi condamner l'auteur au paiement de dommages-intérêts, à la demande de la victime, sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, art. 41, al. 5.


En outre, la jurisprudence en France n’avait pas consacré la notion de « victimisation judiciaire » en tant que telle avant l’affaire DEPARDIEU, mais, on pouvait déjà trouver des décisions qui tiraient les conséquences d’un surtraumatisme judiciaire des victimes en raison des méthodes de la défense (Cour de cassation, chambre criminelle, 14 décembre 2010, n°10-80-909 - Cour de cassation, chambre criminelle, 23 mars 2022, n°21-84034).

Il en découle que, si la stratégie de la défense est libre, ses méthodes ne sont pas sans conséquence, et, l’auteur reconnu coupable des faits reprochés peut être tenu pour responsable du préjudice moral aggravé par la violence judiciaire qu’il a occasionnée.


Il est temps de penser la procédure du point de vue de ses acteurs afin de trouver un juste équilibre entre droits de la défense et protection de la dignité des victimes, car le recours à la justice ne doit pas être dissuasif pour les victimes de viols et d’agressions sexuelles. La réflexion s’amorce, et il est aisé de constater qu’ils sont de moins en moins nombreux ceux qui considèrent qu’il n’y aurait rien à faire dans ce domaine.

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